Apnée des Écrans : Quand les e-mails nous coupent le souffle
Prenez une grande inspiration avant de cliquer sur 'Envoyer' !
On pourrait écrire un bouquin complet sur notre comportement vis-à-vis des emails et l’impact de ce nouveau mode de messagerie sur nos comportements. Il en existe d’ailleurs probablement plusieurs… En écrivant ces lignes, je pense d’ailleurs à une récente newsletter un peu décalée de CDTL sur les types de personnalités et les styles d’e-mail.
Aujourd’hui, je vais parler de l’un de ces sujets en particulier : l’apnée des écrans.
Ce terme a été formulé pour la première fois en 2008 par Linda Stone, ex-VP chez Microsoft, après avoir constaté qu’elle retenait son souffle en répondant à ses mail.
Elle a mené une expérience avec plus de 200 de ses connaissances (ça vaut ce que ça vaut en termes de rigueur scientifique) et a constaté que c’était également le cas de 80% d’entre eux. Les 20% restants avaient généralement appris à gérer leur souffle grâce à diverses activités (militaire, marathonien, trompettiste…)
Il existe des ressources en ligne pour se protéger individuellement de cette apnée. Je vais plutôt aborder le sujet avec les lunettes de concepteur de solutions logicielles.
La transformation digitale a révolutionné de nombreuses entreprises de manière hétérogène. Cependant, elle a eu un impact universel : la rapidité des échanges.
Aujourd'hui, n'importe quelle information peut être partagée avec tous les collaborateurs d'une entreprise en un clic, offrant une opportunité incroyable pour la synchronisation du travail et l'efficacité. Pour ne citer qu’un exemple, le récit de Guillaume Gibault (Le Slip Français) sur la manière dont la France s’est organisée face à la pénurie de masque lors de la crise Covid, avec un simple Google Sheets, est une démonstration incroyable de la façon dont on peut tirer parti du digital pour gagner en efficience. (C’est aussi un excellent exemple d’approche Lean, mais c’est un autre sujet).
La transformation digitale et cette rapidité de communication sont aussi une source de stress intense. Si vous pouvez donner une information aussi rapidement, on peut l’attendre de vous tout aussi vite. Je pense que personne n’est dupe, Teams, WhatsApp, Slack et les emails portent une grosse part de responsabilité dans l’épidémie de burnout qui traverse la société1.
“On peut se faire un point ?” Combien de rythmes cardiaques ont été accélérés par ce message qui “pop” dans une notification de messagerie instantanée ? Ou par une invitation Outlook à un 1-to-1 … sans objet.
Et je ne parle ici que de stress “instantané”. Quid de l’angoisse existentielle que vivent celles et ceux qui entendent dire que leur métier va être replacé par une brique technologique (coucou ChatGPT 👋). Plus vicieux encore, on peut imaginer l’impact à long terme sur l’égo de se voir toute la journée dans la vignette d’une vision, éclairée par la lumière pâle d’un écran.
Quelle est notre responsabilité dans tout ça quand on conçoit des solutions numériques ? Quand on les met en place dans une organisation ? Quand on construit un Business Model qui s’organise autour des technologies numériques ?
On peut se cacher derrière le fait que ce ne sont que des outils. Après tout, la digitalisation consiste à reproduire un processus avec un outil numérique… Ou on peut voir la transformation digitale comme une opportunité d'améliorer les choses, y compris en réduisant le stress des utilisateurs.
Les outils sont là pour accompagner les process, mais aussi pour les modifier. Dans la conception de solutions numériques, il est important de travailler l’expérience utilisateur, par exemple en cherchant à réduire le nombre de micros décisions que l’on prend dans une journée, limitant ainsi la fatigue mentale2.
L’autre sujet, c’est la conduite du changement. La transformation digitale porte ce nom, car elle est loin d’être anodine dans une organisation. Comme tout changement structurel, l’accompagnement des collaborateurs à chacune des étapes est un facteur clé de succès. C’est d’ailleurs l’élément essentiel relevé par le MIT pour une transformation digitale réussie.
Il existe de nombreux modèles de conduite du changement, comme ceux de Kotler, Bridges, ADKAR ou Lewin, adaptés à différentes situations. Bonne nouvelle, il existe aussi des professionnels spécialisés dans cet accompagnement.
Alors si vous avez des projets de transformation digitale à l’horizon, en parallèle des projections de ROI, je vous invite vivement à évaluer également les impacts humains et à mettre en œuvre des stratégies pour qu’ils soient le plus positifs possible.
Merci d’avoir lu jusqu’ici et si vous connaissez des personnes qui peuvent se poser ces questions, partagez-leur cet article, c’est le meilleur soutien que vous puissiez m’apporter. Vous pouvez aussi vous abonner si ce n’est pas déjà fait, et me parler de vos projet de transformation digitale, je serais ravi d’en discuter avec vous.
L’Institut de veille sanitaire a estimé pour sa part que le burn out concerne environ 7 % des 480 000 salariés en souffrance psychologique liée au travail, soit un peu plus de 30 000 personnes : https://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i4487.pdf
Je vous ai déjà parlé de mon livre préféré ?