Élection de Trump : une opportunité pour la souveraineté numérique européenne
Face au protectionnisme du nouveau président, l’Europe a des choix stratégiques à faire dans le secteur du numérique
Une fois n’est pas coutume, je casse un peu le rythme de la newsletter et vous propose un nouvel article pour la deuxième semaine consécutive. En ce lundi férié plus brumeux qu’un matin à Thiercelieux, quoi de mieux que d’écrire, bien installé sous un plaid avec un café fumant ? Ce choix s’impose aussi car le sujet de cette semaine est lié à l’actualité : Donald Trump vient d’être élu 47ᵉ président des États-Unis.
Contrairement à sa première élection en 2016, qui avait provoqué la panique sur les marchés financiers, cette fois-ci les réactions ont été plus mesurées. La raison se résume en deux mots : 🇺🇸 America First 🇺🇸
Ce slogan incarne la ligne protectionniste du nouveau président, qui vise à privilégier les intérêts économiques américains à travers des réductions d’impôts et des droits de douane sur les importations. Une politique qui impactera non seulement l’économie américaine, mais aussi l’Europe, notamment dans le secteur numérique.
L’approche de Trump cible en priorité la rivalité sino-américaine. Dans le numérique, les États-Unis cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis des semi-conducteurs asiatiques, tandis que la Chine développe ses capacités technologiques et se concentre sur l’intelligence artificielle.
En parallèle, les entreprises européennes accélèrent leur numérisation, mais restent dépendantes des géants américains de la tech qui capturent une partie de la valeur créée ici. Cette dépendance aux Big Tech implique que nos infrastructures et données stratégiques sont de plus en plus influencées par des décisions et des changements unilatéraux venus des États-Unis, posant un risque de déstabilisation en cas de politiques protectionnistes renforcées.
Consciente de ces enjeux, l’Union européenne sait que sa souveraineté numérique est cruciale pour préserver son autonomie stratégique. Tandis que les États-Unis et la Chine investissent massivement dans l’innovation, l’Europe peine à mobiliser des moyens comparables malgré des initiatives prometteuses comme les investissements dans la startup Mistral, leader français en intelligence artificielle.
Alors, on fait quoi ?
L’Europe, bien que consciente des défis, ne peut pas prétendre à une autonomie numérique totale à court terme.
Elle peut cependant réduire sa dépendance en misant sur des initiatives stratégiques comme GAIA-X1, projet européen visant à développer une infrastructure de données sécurisée et fédérée. GAIA-X pourrait servir de socle pour des secteurs clés — industrie, énergie, services publics — et même, avec des cadres appropriés, pour la santé. Cette infrastructure permettrait de garantir que les données critiques européennes restent en Europe, contribuant ainsi à réduire la dépendance vis-à-vis des Big Tech américaines.
L’Europe s’est également dotée en 2023 d’un outil d’anti-coercition2 comme moyen de dissuasion pour contrer les pressions économiques étrangères qui cherchent à limiter la souveraineté de l’Europe, notamment dans le numérique. Cet instrument a pour but de protéger les acteurs européens de décisions commerciales arbitraires, créant un cadre plus stable pour l’innovation et la protection des intérêts européens.
Dans la philosophie de son histoire, l’Europe n’a pas vraiment d’intérêt à chercher la création d’un champion, mais l’agrégation d’acteurs qui tissent des partenariats sur la base d’initiatives comme GAIA-X. Le durcissement de la rivalité sino-américaine peut d’ailleurs être l’opportunité d’ouvrir cette nouvelle voie.
L’élection de Trump doit être pour l’Europe un wake up call pour investir plus activement dans sa souveraineté numérique. L’autonomie stratégique dépend d’un alignement des pays membres autour de cette vision, afin de soutenir des projets qui freineront le brain drain, cette fuite des talents vers les États-Unis, et renforceront notre indépendance technologique.
La dynamique existe, mais elle doit s’intensifier pour garantir une véritable souveraineté numérique. Je vous invite à partager cet article pour contribuer à élargir la réflexion. Si vous avez des projets de transformation digitale — qu’ils soient ou non en lien avec l’élection du nouveau POTUS —, n’hésitez pas à me contacter pour en discuter ensemble !
Et si le sujet de la direction que prend l’Europe dans le domaine du numérique vous intéresse, je vous invite à lire le Rapport d’Orientation Stratégique du Cigref3 qui détaille, entre autres, certains des éléments que j’ai abordés aujourd’hui.
Qui je suis
Je m’appelle Cédric Spalvieri. Blogueur et conférencier depuis plus de 10 ans, je suis également Directeur Général d’une agence web lyonnaise. Curieux des transformations que subit notre société, je m’intéresse à la manière dont les évolutions du numérique impactent le monde dans lequel nous vivons.