25 000… c’est le nombre de montres vendues en France par jour…
25 000… alors qu’aujourd’hui, plus personne n’a besoin d’une montre pour lire l’heure.
En écrivant ces lignes, je n’ai qu’à lever un peu les yeux pour avoir l’heure sur le coin de mon écran. Je l’ai sous les yeux quand je conduis, dans les transports en commun, sur mon vélo… J’ai en permanence dans la poche un ordinateur qui saura m’indiquer l’heure en un coup d’œil (et même me prévenir qu’il est temps d’aller chercher mes filles à l’école, car il y a un peu de circulation à cause des travaux dans la Grande Rue).
Globalement, on est toujours à moins de trois petits mouvements d’un écran qui nous donne l’heure.
Et pourtant, 25 000 montres sont vendues chaque jour en France.1
L’innovation, et en particulier le digital, véhicule souvent cette idée qu’elle va tuer des industries. C’est particulièrement visible en ce moment avec les discours alarmistes autour de l’IA, mais c’est loin d’être nouveau.
Je me rappelle la fin des années 2000, où pour maximiser vos chances d’être mentionné dans un média tech, il fallait devenir une killer company, à l’instar d’Uber qui devait tuer le monde des taxis et Airbnb celui des hôtels.
Le cas des montres est super intéressant comme exemple d’une industrie qui a su survivre à un monde qui avait tout pour la faire disparaître. L’omniprésence d’appareils qui donnent l’heure dans nos vies n’a pas tué le marché des montres, elle a tué celui des montres qui donnent l’heure…
Aujourd’hui, les montres à moins de 50 € représentent 7% du marché français contre 47% pour les montres de luxe. Autre particularité : les montres connectées accaparent désormais 25% du gâteau.2 D’après une étude de Xerfi, on se dirige tout doucement vers un taux moyen d’équipement d’une montre connectée par foyer.
Plus personne n’achète de montre pour lire l’heure. On achète une montre comme bijou ou comme un outil de quantifed self comme on dit dans la Silicon Valley, cette tendance à vouloir tout mesurer dans sa vie.

L’innovation ne tue pas les marchés. Vous le savez, c’est un peu la vieille marotte de cette newsletter. Elle transforme le monde, et par ricochet, les marchés évoluent.
Pour évoluer correctement, il faut savoir se concentrer sur sa propre valeur, ses compétences spécifiques, ses facteurs différenciant…
On prend souvent en école de commerce le cas de Kodak, qui a fait faillite pour ne pas avoir pris le virage du numérique. La réalité est bien évidemment plus complexe que ça, et ce sont surtout les difficultés technologiques et organisationnelles qui ont empêché le leader de la photo de suivre le marché et de prendre ce virage. Mais ce qui a fait que des concurrents comme Fujifilm ou Agfa ont survécu à cette transformation, c’est qu’ils n’ont pas géré ce changement en essayant de suivre le marché, mais en se concentrant sur leur force : la chimie.
Je simplifie volontairement l’histoire. Il y a probablement des bouquins entiers sur la révolution qu’a subi le monde de la photo, avec leur lot de revirements stratégiques, de rebondissements, de fusion-acquisition plus ou moins amicales.
Ce que je voudrais avant tout que vous reteniez, c’est qu’avoir une bonne connaissance et une bonne vision de son expertise, de ses facteurs différenciant, c’est ce qui rend résilient aux transformations des marchés, à la “destruction créatrice” chère à Schumpeter et qui fait rêver les entrepreneurs en herbes.
Aujourd’hui, la montre ne sert plus à donner l’heure, mais elle a bien d’autres utilités.
Si quelqu’un lâche 100 briques dans une Patek Philippe, ce n’est pas pour savoir qu’il est 19 h 32, mais par amour du mécanisme derrière qui permet de le savoir, ou pour montrer qu’on n’a pas raté sa vie (c’est même souvent les 2). S’il s’est vendu pour plus de 35 Md€ de smart watches dans le monde en 20243, c’est pour les applications et les outils de mesure qu’elles proposent (on peut discuter de leur utilité réelle, mais c’est un autre sujet).
Si vous êtes dans un marché menacé par l’innovation (ou pas d’ailleurs, car quel que soit le marché, il est assez probable que vous le soyez un jour), je vous invite à regarder quelles sont vos forces, vos marqueurs différenciant, la vraie raison pour laquelle on vous achète, la vraie valeur que vous apportez, ce que vous savez faire que les autres sont incapables de reproduire facilement.
C’est un exercice qu’on devrait faire en permanence, une sorte de gymnastique intellectuelle, parce que c’est le meilleur moyen d’avoir du recul au moment où la vague va essayer de nous emporter.
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À propos de moi
Je m’appelle Cédric Spalvieri. Blogueur et conférencier, j’ai accompagné ces 20 dernières années la transformation digitale d’entreprises allant de la PME au groupe international. Curieux des mutations que subit notre société, je m’intéresse à la manière dont les évolutions du numérique impactent le monde dans lequel nous vivons.
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toujours d’après Xerfi