Le paradoxe des données : entre sécurité et innovation
Comment collaborer pour trouver l’équilibre entre souveraineté individuelle et richesse collective ?
Je discutais récemment avec un ami qui souffre d’une pathologie assez rare. Le personnel de santé lui a expliqué que, depuis la pandémie de COVID-19, on observait une augmentation de cas similaires. Cette observation reste cependant empirique : aucune étude statistique n’a été jugée utile sur ce sujet, car rien n’indique clairement un lien direct entre ces deux phénomènes.
Pendant la pandémie, nos modes de vie ont radicalement changé : confinement prolongé, généralisation du travail en visioconférence et maintien de certaines habitudes issues de la distanciation sociale… Il est possible que tout ça ait eu un impact, plus ou moins important, sur notre santé.
Si je partage cette anecdote, c’est parce que je trouve regrettable d’avoir le sentiment d’un lien de cause à effet entre une situation et une pathologie, sans pouvoir le démontrer autrement qu’avec des dispositifs lourds et contraignants.
En y réfléchissant, cela m’a rappelé une interview1 de Thomas Claudel, CEO d’Owkin, une startup franco-américaine spécialisée dans l’IA et les biotechnologies. Il expliquait qu’en exploitant mieux les données de santé disponibles, on aurait pu sauver de nombreuses vies.
En tant qu’Européens habitués aux exigences du RGPD, on voit rapidement le danger. Nous sommes suffisamment sensibilisés aux risques liés à l’exploitation des données de santé. Thomas Claudel souligne justement ce point :
La protection des données est primordiale au niveau individuel. Leur exploitation est une richesse collective.
C’est un paradoxe qui nous pousse à chercher des solutions pour concilier ces deux enjeux.
Les Big Tech américaines ont bien identifié cette richesse et travaillent activement dessus. Google et Apple développent des applications de mesure toujours plus avancées, tandis que des projets comme Neuralink, porté par Elon Musk, envisagent d’implanter des puces dans le cerveau humain.
Mais ces géants se préoccupent-ils vraiment de la protection des données individuelles ?
J’évoquais récemment dans cette newsletter la question de la souveraineté. Sommes-nous, en Europe, capables de mettre en place des mesures pour valoriser les données de santé tout en respectant nos principes de protection et d’éthique ?
Actuellement, les données de santé en Europe sont extrêmement cloisonnées. Chaque acteur conserve jalousement ses informations. Imaginer une gouvernance centralisée semble presque utopique tant cela demanderait un effort colossal.
L’Europe a pourtant une stratégie : Gaia-X. Cette initiative vise à créer des espaces de données, des infrastructures ouvertes où les parties prenantes peuvent partager, échanger et collaborer selon des règles communes.
Contrairement à une plateforme centralisée, un espace de données est spécifique à un secteur d’activité et rassemble des acteurs ayant des intérêts communs, dont l’identité est vérifiée. On peut facilement imaginer un espace dédié à la santé.
Bien entendu, un tel espace nécessiterait des mesures de sécurité renforcées en raison de la sensibilité des données. Mais, à l’image de l’Open Source, les mécanismes d’ouverture et de distribution permettent de garantir cette sécurité tout en favorisant l’innovation.
Pour que cette initiative aboutisse, il est important que les acteurs de la santé comprennent que conserver leurs données en silos limite non seulement les avancées collectives, mais aussi leur propre capacité à innover. L’espace de données commun ne sera enrichi que si chacun accepte de contribuer. Cela nécessite un véritable effort et dépasser les craintes pour miser sur la collaboration et saisir cette opportunité unique de transformer le secteur.
En partageant leurs données, ils pourraient ouvrir la voie à des projets d’intelligence artificielle capables de révolutionner la santé. Ces outils permettraient de mieux comprendre des phénomènes encore flous, comme l’augmentation des pathologies observée depuis la pandémie, mais aussi de concevoir des solutions adaptées : traitements personnalisés, modèles prédictifs performants ou encore optimisation des soins.
Plus qu’une promesse, c’est une chance de tirer parti des enseignements de ces dernières années pour anticiper et répondre aux défis de demain, dans la santé comme dans bien d’autres secteurs.
C’est tout pour aujourd’hui, je vous donne rendez-vous dans deux semaines pour une nouvelle analyse. D’ici là, n’hésitez pas à réagir et mettre des ❤️ si le sujet vous a plu.
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Qui je suis
Je m’appelle Cédric Spalvieri. Blogueur et conférencier depuis plus de 10 ans, je suis également Directeur Général d’une agence web lyonnaise. Curieux des transformations que subit notre société, je m’intéresse à la manière dont les évolutions du numérique impactent le monde dans lequel nous vivons.