Et si la DSI devenait le bras armé de la stratégie climat ?
Comment l’IT for Green peut sortir le numérique de sa case pour en faire un levier d’impact
Le numérique responsable est aujourd’hui devenu un enjeu essentiel pour les entreprises, et quand on pense numérique responsable, on pense souvent au GreenIT, à la consommation de nos outils numériques et l’impact de cette consommation sur l’environnement.
Aujourd’hui, je voulais vous parler du numérique responsable sous un angle un peu différent, celui de l’IT for Green. À la différence du GreenIT, que j’associe plutôt à de la tactique, l’IT for Green est de l’ordre de la stratégie. Autrement dit, c’est une discipline qui relève plus de la vision et de l’objectif que de l’implémentation.
J’avais déjà évoqué cette distinction en soulignant la différence entre Good Tech et Tech for Good, mais je vais cette fois me concentrer sur le côté environnemental du numérique à travers ces approches.
Il y a quelques semaines, le Cigref1 a publié un rapport intitulé « IT for Green - Contributions des directions numériques aux enjeux RSE et de décarbonation des organisations ». Parce que je sais que votre temps est précieux, je vous évite de vous envoyer les 40 pages du document. Voici une synthèse claire et, j’espère, digeste, du rapport.
Alors je sais, vous auriez pu demander à ChatGPT de le faire. Rassurez vous, je serais probablement moins bien structuré, certainement moins objectif, et assurément moins chiant. À vous de voir ce que vous préférez.
GreenIT et IT for Green : Bam ! Deux pierres d’un coup !
(Je vous aime d’amour si vous avez la ref de ce titre)
Je vous en parlais en intro, il existe une différence de philosophie entre GreenIT et IT for Green. Le Cigref appuie sur le fait que, pour bien entamer une démarche stratégique, il convient de savoir distinguer les deux.
Concrètement, le GreenIT consiste à réduire la part du numérique dans l’impact environnemental de l’entreprise. Quand je parle de GreenIT comme une tactique, je sous entends que la stratégie sous-jacente (réduire l’impact du numérique) a été décidée. Le GreenIT est un ensemble de choix opérationnels permettant de mettre en oeuvre cette stratégie. Je ne vais pas m’étendre dessus aujourd’hui, ce n’est pas le sujet de cet article mais je vous recommande plein de très bonnes ressources pour aller plus loin.
L’IT for Green, lui, rentre dans le cadre de la stratégie, puisqu’il vise à s’appuyer sur le numérique pour réduire l’impact environnemental d'autres activités de l’organisation (logistique, production, bâtiments, etc.).
Ce n’est pas un ensemble de recettes toutes prêtes, mais une grille de lecture stratégique pour orienter l’entreprise.
L’IT for Green, c’est un problème de grandes personnes, un sujet pour le ComEx. C’est un ensemble de décisions transverses qui ne peuvent se prendre qu’avec les directions métier, en sachant faire le juste arbitrage entre le ROI (Return on investment) court terme, et un ROE (Return on environment2) plus long terme. Un vrai sujet pour les fans de comptabilité en triple capital.
Pour autant, GreenIT et IT for Green vont de pair. La stratégie n’est pas plus noble que la tactique, et les deux sont nécessaires au développement d’une entreprise. Il faut surtout apprendre à bien les distinguer et savoir quand appliquer l’une plus que l’autre. Prenons l’exemple d’une entreprise de consulting, dont l’essentiel du CapEx est une flotte d’ordi et des serveurs stockés dans des bureaux à La Défense qu’on regrette d’avoir achetés juste avant le Covid. Cette entreprise aura tout intérêt à privilégier le GreenIT pour limiter son empreinte. En revanche, une belle PME de logistique, avec un petit bureau administratif et une grosse flotte de camions, aura plus d’impact en investissant dans des super-calculateurs et des logiciels d’optimisation de parcours.
Pourquoi entamer cette démarche ?
Après nous avoir aidé à cerner ce qu’est l’IT for Green, le rapport du Cigref nous fait comprendre le bénéfice d’adopter cette philosophie.
Déjà parce qu’à l’image de Monsieur Jourdain, la plupart des entreprises font de l’IT for Green sans le savoir. Je vous avais expliqué il y a peu que le GreenIT a d’autres vertus que les simples aspects écologiques. De la même façon, les optimisations déjà opérées par les entreprises, en s’appuyant sur le numérique (comme les réductions de consommation d’énergie), sont des mesures d’IT for Green, sans pour autant être aujourd’hui comptabilisées en tant que telles.
D’un point de vue purement pragmatique, ça signifie que les fondations sont déjà là pour entrer facilement en conformité avec la CSRD, qui impose aux entreprises d’établir un reporting sur leurs actions environnementales. Dit comme ça, ça donne un peu l’impression qu’on va sauver la planète sans faire exprès, juste en cherchant le profit. Magique non ?
Mais prenons un peu de recul. Si vous me suivez depuis assez longtemps, vous m’avez probablement déjà entendu râler sur le fait qu’à l’ère du tout numérique, les DSI ne sont pas encore suffisamment intégrés dans la stratégie des entreprises. Et vous savez maintenant que l’IT for Green entre dans le domaine de la stratégie.
En reliant les points, on comprend que c’est une nouvelle porte qui s’ouvre aux DSI pour s’impliquer dans la stratégie de l’entreprise, en mettant à profit toute la data déjà à disposition (et celle qu’elles peuvent acquérir) au service des stratégies climat.
C’est d’autant plus important que les études de l’ADEME nous disent que l’empreinte carbone du numérique pourrait tripler d’ici 2050. Pour autant, le World Economic Forum estime que le numérique peut aider à réduire de 20% les émissions globales dans le même intervalle. Sans tomber dans le technosolutionnisme, il est important de garder un œil sur les externalités positives du numérique et en tirer parti pour être une chance plus qu’un boulet.
Allez et puisqu’on parle de l’ADEME, et que je sais qu’il n’y a que l’argent qui vous intéresse, je vous mets cet extrait de l’un de leurs guides :
Si les évènements climatiques coûtent déjà cher aux entreprises (humainement et économiquement), ceux-ci vont s’intensifier avec le changement climatique. Or toutes les études ou retours d’expérience récents démontrent que ne rien faire coûte souvent plus cher que s’adapter.
Les leviers pour faire de l’IT for Green
L’un des principaux constats du Cigref dans ce rapport est l’absence de méthodologie claire pour mesurer l’impact positif du numérique dans les organisations. Entre le greenwashing, la confusion avec le GreenIT et l’absence de standards, difficile de connaitre l’impact net du numérique dans une organisation.
Pour permettre aux entreprises de structurer leurs actions en la matière, le Cigref propose 6 leviers d’actions :
Mesurer : utiliser les outils numériques à disposition, combinés à des capteurs, pour enregistrer la donnée liée aux impacts environnementaux, en ayant l’honnêteté intellectuelle d’aller un peu plus loin que les émissions CO2 (eau, biodiversité, déchets …)
Piloter : suivre l’évolution de ces mesures via des tableaux de bords, pour identifier les décisions à prendre et contrôler leur impact
Simuler : anticiper, à travers des modèles prédictifs comme les jumeaux numériques, les trajectoires environnementales des projets avant leur application au monde physique (Ce sera une utilisation de l’IA plus pertinente que votre photo au style Ghibli)
Innover de façon ouverte, en s’appuyant sur les écosystèmes, sur des données ouvertes, au travers par exemple de challenges pour stimuler la créativité
Documenter : tirer parti du numérique pour restituer la data, communiquer de façon pertinente à toutes les parties prenantes, des décisionnaires aux acteurs opérationnels, afin de prendre les meilleures décisions
Réduire ou améliorer : faire en sorte que le numérique ne soit pas juste un gadget d’optimisation, mais bien un outil qui tire partie de tous les leviers sus-cités sur le long terme, tout en faisant attention à ne pas subir l’effet rebond suite aux gains obtenus.
Le rôle des DSI
Je l’ai déjà dit, à l’ère du numérique, la DSI a un rôle stratégique dans le pilotage des entreprises, et ne pas l’intégrer dans les décisions, c’est prendre le risque de se faire dépasser par un monde qui accélère avec la technologie.
Avec l’IT for Green, les DSI deviennent le pivot de l’impact environnemental.
Le numérique est souvent perçu à travers ses externalités négatives, d’où l’existence nécessaire du GreenIT. Mais chaque projet IT peut aussi faire émerger des externalités positives. La DSI, telle un moine Shaolin face au Yin et au Yang, peut (et doit) piloter la balance : favoriser le positif, contenir le négatif.
Elle ne doit pas le faire a posteriori, quand les projets sont actés et qu’il faut les implémenter, mais dans le cadre des décisions stratégiques des organisations, en intégrant la data et les possibilités techniques, présentes et futures, pour orienter les solutions, en apporter de nouvelles et savoir dire non aux projets unitairement efficaces, mais contre-productif à l’échelle globale.
Charge à elle, en contrepartie, de mettre en place les outils de mesure, les grilles d’évaluation3, les feuilles de route, les méthodes et toutes les bonnes pratiques pour faire en sorte que de nouveaux réflexes viennent s’ancrer dans les métiers. Des réflexes aux impacts réels, long terme et sans effet rebond.
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À propos de moi
Je m’appelle Cédric Spalvieri. Blogueur et conférencier, j’ai accompagné ces 20 dernières années la transformation digitale d’entreprises allant de la PME au groupe international. Curieux des mutations que subit notre société, je m’intéresse à la manière dont les évolutions du numérique impactent le monde dans lequel nous vivons.
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Le Cigref propose une trame de grille d’analyse qui peut être une très bonne base de travail